L'homme et la machine
Édito de l'émission de janvier 2013.
Vous avez peut-être vu à la télévision ce jeune athlète sud-africain, Oscar Pistorius, qui, amputé des deux jambes, court équipé de prothèses de carbone ressemblant à des sortes de lames. Et lorsque Oscar Pistorius demande à concourir dans des compétitions réservées aux valides, la communauté sportive se met à examiner l’équité de performances obtenues par un humain «technologisé », où l’homme et la technologie ne font plus qu’un, puisque Oscar Pistorius lui- se définit comme « la chose la plus rapide sans jambes ». Au-delà des questions liées à la compétition sportives, on comprend que ce qui se joue dans cette affaire, c’est bien la délimitation de la frontières entre l’humain et la machine. Technologies de l’information et de la communication, biotechnologies, nanotechnologies, technologies appliquées à l’industrie médicales, nous sommes environnés par des machines qui pénètrent et transforment l’univers domestique, professionnel, les relations sociales mais aussi les corps. Les compétences humaines, aussi bien corporelles que cérébrales, sont remplacées, prolongées, augmentées, performées par des machines de plus en plus perfectionnées et qui témoignent d’une capacité créatrice sans cesse renouvelée. Rien d’étonnant donc à ce que les machines nourrissent un imaginaire foisonnant, que l’on songe à la littérature, au cinéma, ou encore à la BD… Un imaginaire peuplé de mythes, de rêves et de craintes, qui est réactivé à chaque fois que l’on soulève la question des rapports entre l’homme et la machine. Car la frontière est parfois mince entre l’espoir de progrès et d’émancipation suscité par l’invention de nouvelles machines, et le risque d’aliénation qu’elles font encourir. Moulinex libéra la femme dans les années 60 et licencia 30 ans plus tard celles qui fabriquaient les mixers et autres robots ménagers qui étaient précisément censés les libérer. Objets de peur et de désir, les machines contribuent en tout cas à interroger notre définition de l’humain, du temps, du langage, des relations sociales ainsi que notre conception de la valeur du travail.