Édito de l'émission de mars 2013.
La plupart des domaines scientifiques sont tôt ou tard confrontés aux réalités de l'univers qui nous entoure, soit parce qu'ils cherchent à en modéliser le fonctionnement, soit parce que le réel devient un domaine d'expérimentation de la discipline. Cette relation des sciences à l'observation, et donc aux sens a toujours été au cœur des démarches scientifiques. Ainsi, Diderot résumait le rôle de chacune des étapes de l'activité scientifique par le triptyque suivant : « L’observation recueille les faits ; la réflexion les combine ; l’expérience vérifie le résultat de la combinaison. »
Le scientifique a donc une relation très étroite avec ses capacités sensorielles, et nombre d'outils d'expérimentation ne sont que des extensions et des amplificateurs des réalités qu'il cherche à mesurer.
Et quand arrive le moment de communiquer sur des travaux de recherche, ces outils d'exploration deviennent naturellement des vecteurs efficaces de la vulgarisation : l'on demandera toujours à un biologiste l'autorisation de regarder par dessus son épaule dans la lunette du microscope pour saisir la complexité des relations intra-cellulaires, on favorisera l'utilisation d'illustrations schématiques pour synthétiser un concept abstrait. Si le scientifique maîtrise les outils propres à son domaine d'expertise, il n'est cependant pas nécessairement le plus à même de manier les différents médias sensitifs pour présenter ses réflexions, et la formalisation trop rigide qui fait son quotidien est bien souvent trop obscure pour qui est éloigné du domaine.
À l'inverse, ce sont les artistes qui maîtrisent les médias de création et d'expression sensorielle, ce sont eux qui savent activer notre conscience et notre compréhension de spectateurs grâce à leur expressivité. C'est donc naturellement que l'on aurait envie de voir se rapprocher ces deux univers : le monde scientifique comme explorateur d'un univers complexe, et les artistes comme vecteurs de diffusion et de vulgarisation. Malheureusement, dans les laboratoires à travers le monde, il semble que ces pratiques soient peu développées, et que ce soit souvent le scientifique qui s'improvise artiste.
Quel peut être le rôle des artistes au voisinage de la science, peuvent-ils rendre les explorations scientifiques perceptible par tous ? Et par effet miroir, peuvent-ils rendre les scientifiques plus sensibles à l'impact de leurs travaux sur la place publique ? Voici quelques-unes des questions que nous aborderons dans cette émission intitulée sciensibilité, ou comment rendre la science sensible.